Des instruments transpositeurs ?
Aussi étrange que l’intrication quantique, il existe en musique des instruments qui ne jouent pas les notes écrites sur une partition tout en utilisant le bon doigté… Un Do qui sonne Si b ou Fa ? Voir Mi b ? Bizarre ! Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre… Certains de ces instruments se nomment cuivres alors qu’ils sont fabriqués en bois, et d’autres, appelés bois, sont en métal… Bizarre ! Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre… Continuer à lire
Mais à quoi ça sert d’abord ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord que je vous explique le principe physique qui permet de comprendre comment ça marche. La fréquence d’un son quel qu’il soit dépend de la longueur de la colonne d’air. Ou il dépend de l’endroit où vous pincez une corde si c’est une guitare. Pour des instruments comme les trompettes ou les saxophones, les dimensions de base leurs donnent une tonalité propre qui dépend entre autres de leur longueur. Pour un cuivre (trompette, saxophone, etc.), plus le tuyau est court plus la note est aiguë et inversement. Le tuyau est un résonateur d’onde sonore dont la fréquence de résonance la plus grave s’appelle la fondamentale. Elle est suivi d’une série de sons plus aigus avec un intervalle identique. Ils sont des multiples du son fondamental. Ces sons sont appelés des harmoniques (ah d’accord!).
Dans chaque famille d’instruments harmoniques, on trouve donc le même instrument avec une taille différente. Mais ils ont les mêmes doigtés pour chaque note. C’est pour cette raison qu’on les appelle des instruments transpositeurs. Pour un trompettiste qui lit sur une partition un Do avec une trompette en Si b, le son entendu pour ce Do sera un Si b. Pour dissiper tout malentendu, dans ce cas précis, la transposition est, en fait, une convention d’écriture. Elle permet aux musiciens de pouvoir jouer différents saxophones, alto, ténor ou baryton sans avoir à changer de doigté ni de technique. La gamme de référence étant la gamme de Do, nous aurons toujours le même intervalle de décalage entre la note réelle (le Do par exemple), et la note jouée (Si b pour un instrument en Si b). Et ceci sur toute la gamme.
Les deux principales familles d’instruments à vent
Certains instruments à vent ou aérophones font partie de cette famille d’instruments dont la vibration d’une colonne d’air grâce au souffle d’un instrumentiste produit le son. Voici une liste non exhaustive d’instruments transpositeurs issus de ces deux familles d’instruments, les bois et les cuivres, avec les intervalles de transposition.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les instruments sont classés par leur méthode de production du son et non les matériaux qui les composent. Par exemple, le saxophone fait partie des bois alors qu’il est en métal, et le didgeridoo lui fait partie des cuivres…
Bois
- Flûte alto en Sol, qui transpose d’une quarte juste descendante.
- Hautbois piccolo ou musette en Mi b ou Fa, tierce mineure ou quarte juste ascendantes.
- Hautbois d’amour en La, tierce mineure descendante.
- Clarinette en Si b, seconde majeure descendante.
- Clarinette en La, tierce mineure descendante.
- Saxophone soprano en Si b, seconde majeure descendante.
- Saxophone alto en Mi b, sixte majeure descendante.
- Et, saxophone ténor en Si b, neuvième majeure descendante.
- Saxophone baryton en Mi b, treizième majeure descendante.
Cuivres
- Petite trompette en Ré, seconde majeure ascendante.
- Trompette en Si b, seconde majeure descendante.
- Bugle en Si b, seconde majeure descendante.
- Cornet à piston en Si b, seconde majeure descendante.
- Soubassophone en Si b, Mi b ou en Fa…
Evolution majeure pour ces deux familles d’instruments à vent
Les archéologues ont retrouvé des flûtes en os percé datant de 38 000 ans av. J.-C. (Paléolithique supérieur), ainsi que des trompes de l’âge du bronze.
Pour les bois, l’évolution majeure sera l’invention de l’anche, cette lamelle mise en vibration soit par le souffle d’un musicien ou dans le cas de l’accordéon par un souffle mécanique, voir avec une poche d’air alimentée par le souffle comme le biniou par exemple. D’abord anche simple directement taillée dans l’instrument ou fixée à lui. On trouvera dès la haute antiquité des anches doubles utilisées notamment en Grèce avec l’aulos.
Pour les cuivres, ces instruments seront longtemps considérés comme des instruments de communication pour la guerre telle que la salpinx, ou pour la chasse par exemple. L’invention du piston au XIX siècle (1815) par H. Stölzel sera déterminante pour permettre à ces instruments d’accéder à un nombre de notes plus important et ainsi avoir une gamme chromatique tempérée.
« Le beau est toujours bizarre » Charles Baudelaire
En conclusion, tous ces instruments méritent notre curiosité voir notre admiration tant leurs factures et leurs apprentissages peuvent s’avérer ardus ! Autant vous dire que nous aurons l’occasion de reparler de ces instruments transpositeurs et de la transposition elle-même, qui est une technique employée dans bon nombre de cas. À l’heure où je termine cet article, je finirai par une pensée de Pierre Dac : Souffrant d’insomnie, j’échangerais un matelas de plumes pour un sommeil de plomb.
Les commentaires sont clos.