La guitare selon Keith Richards
Les secrets de fabrication de l’immortel guitariste des Rolling Stones, ou comment retrouver le son et l’esprit de certaines des intros les plus mémorables de l’histoire du rock n’roll, juste en quelques tours de mécanique, et quelques positions d’accords… Continuer à lire
Like a Rolling Stone
A l’heure où nous écrivons ces lignes, entre la fin d’une tournée américaine susceptible d’être la dernière, et le travail sur un nouvel album, qui serait le 24ème, les Rolling Stones entament sur les chapeaux de roues leur 56e année d’existence… L’infatigable Keith Richards, lui, affiche désormais 76 ans au compteur.
Au delà des chiffres, celui qu’on peut considérer comme le guitariste principal et emblématique du groupe, a su apporter des compositions inoubliables. Mais il apporte également un jeu et un son de guitare très personnel. Même si Brian Jones, Mick Taylor et Ron Wood, sont, ou ont été, des pierres fondamentales de l’édifice, chacun à sa manière.
Un accordage personnel
Grand amateur de guitares, acoustiques comme électriques, (sa liste de guitares sur wikipedia donne le vertige), Keith Richards reste quasiment indissociable, dans l’inconscient collectif, de la Fender Telecaster qui fut – et reste – sa principale guitare de scène ; Quant à son jeu de guitare, du moins celui qu’il a commencé à développer en 1968 avec Beggar’s Banquet, il est intéressant de tenter d’en discerner les codes, et notamment son penchant immodéré pour l’open-tuning de sol.
Pour faire bref, on qualifie d’accord ouvert, ou open-tuning, tout accordage de la guitare différent de celui que nous connaissons bien, le traditionnel EADGBE. Keith Richards n’est pas le premier à l’avoir abordé. La musique folk comme le blues, notamment, ont vu naître, dans leur histoire, des accordages alternatifs. Ils permettent parfois d’agrandir l’amplitude de l’instrument (baissez votre mi grave en ré, et votre ré majeur prendra une toute autre profondeur ! Il vous restera à adapter les autres accords…), et surtout de jouer des glissandos au bottleneck en utilisant plus de cordes, éventuellement toutes. Dans le cas de Keith Richards, cette technique va dans le sens de la simplification. Il va même parfois jusqu’à enlever une corde, celle du mi grave…
Rythmique et mélodique
Allons bon… Le guitariste le plus emblématique du rock n’roll était-il à ce point paresseux ? L’économie serait-elle le secret de sa longévité ? Pas tout à fait.
Évidemment, l’accordage GDGBD permet de jouer tous les accords majeurs par un simple barré. Mais il permet aussi des multitudes d’enrichissements (sus 2, sus 4…) en rajoutant un ou deux doigts. L’éventail ainsi offert permet, en quelques positions, d’apporter une dimension mélodique à un jeu on ne peut plus rythmique. Cela brouille la frontière entre guitariste rythmique et soliste. Une frontière bien définie durant les années 60, dont Jimi Hendrix, notamment, floutera quelque peu les contours…
Beaucoup moins virtuose et démonstratif que Jimi, Keith partageait toutefois avec lui un enracinement musical dans le blues des origines, et c’est vers cette idéal de simplicité qu’il fera tendre son jeu de guitare. Parfois à contre-courant d’un Jagger plus sensible aux sirènes de l’air du temps…
Passons à la pratique !
Commençons donc par accorder notre guitare en open-tuning de sol…
- Descendre le mi aigü d’un ton pour obtenir un ré ;
- Puis descendre le la d’un ton pour obtenir un sol ;
- Descendre le mi grave d’un ton pour obtenir un ré… Ou si vous voulez aller dans l’extrême, faites comme Keith, enlevez le mi grave !
- Pensez à vous munir d’un capodastre, accessoire indispensable du jeu de Keith, bien des photos en témoignent !
Quelques exemples typiques !
Exemple 1 : votre guitare étant parée pour le riff stonien, mettons nous dans le ton avec l’enchaînement de ces deux accords, qui ont notamment servi de charpente à la rythmique de Street Fighting Man, au riff de Brown Sugar, et à celui de Start Me Up, et qui constituent déjà à eux seuls la marque de fabrique du jeu de Keith. Enchaînez-les, dans un sens puis dans l’autre, et vous serez peut-être surpris de voir à quel point tout le son des Stones y est condensé…
Brown Sugar
Exemple 2 : l’intro de Happy, sur l’album Exile On Main Street, va un peu plus loin, et développe un fil mélodique à partir de trois positions d’accords. Le morceau se joue avec un capo à la 4e case, et le E du début vient boucler la boucle.
La chanson
Exemple 3 : un peu plus dur, l’intro de Tumbling Dice (nous sommes toujours sur le même album, Exile On Main Street datant de 1972) est très caractéristique du jeu de Keith, rythmique et mélodique à la fois.
La chanson
A vous de jouer !
A partir des accords de l’exemple 1, et en déplaçant la main gauche sur le manche, retrouvez le riff de Brown Sugar, et des autres morceaux cités… N’hésitez pas à inventer de nouvelles combinaisons d’accords, à tester et à créer, en vous sentant l’âme d’un Rolling Stone… L’étape suivante consistant évidemment à se forger son propre style !
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